De l’abîme en effet… – Exposition de Frédéric Diart, du 25 avril au 16 mai 2025

Les Ateliers Carbet sont heureux d’accueillir Frédéric Diart pour son exposition personnelle « De l’abîme en effet… » du 25 avril au 16 mai.
Vernissage vendredi 25 avril à partir de 19h en présence de l’artiste.

DAS SCHWARZ KOMMT , encres sur toile, 40×30 cm,  2021-2023

Entretien entre Frédéric Diart et les Ateliers carbet :

AC – Dans tes pièces et tes cycles tu adoptes une démarche empirique. Elle s’apparente parfois à la recherche d’un scientifique. Ta matière est malmenée, soumise à des forces physiques qui semblent la transcender au delà de sa substance. Qu’as-tu découvert sur cette matière ? Que cherches-tu par ces procédés systématiques ?
FD – La matière n’existe et se répand sur la toile que dans le rapport qu’elle entretient avec le mot. Tout s’articule autour de formes-lettres qui justifient le dépôt, et suscite le retrait. La dissolution, le bouleversement du derme est avant tout l’agonie du mot, son dessèchement, son épuisement. Il résistera, conservera sa visibilité, au moins partiellement, ou deviendra jus, fragments, surfaces ravagées qui conserveront, peut être, sa mémoire. Les procédés employés ne sont pas « systématiques », mais relèvent d’un même principe de révélation-disparition, signifiant le tourment de la perte et de l’irrésolu. La matière est une fatalité, et une nécessité.

 

 

GEISTERVARIATIONEN (3ème version), colle, peinture, papier, cire sur métal, 40,5×30,5 cm, 2017-2021

 

AC – Les mots sont omniprésents, souvent des phrases courtes, extraits de textes d’écrivains. Ils sont altérés, rendus moins lisibles, comme mêlés à des strates de matières, en train de disparaitre ou d’apparaitre. Comment parviens tu à ces choix de mots, à leurs formats, matérialités ?
FD – Je peins des mots. Et cela depuis le début. Après avoir renoncé à mes propres mots et au geste de l’écriture, j’ai établi un protocole basé sur des mots-pochoirs, des lettres-pochoirs qui canalisent la matière avant que celle-ci ne s’émancipe sur le support par le biais d’une sorte d’alchimie de la désagrégation. Le sens des mots choisis se transmute et survit dans un écho, une vibration, une lisibilité hypothétique. Ce sont des fantômes qui m’ont soufflé des phrases, des propos, qui font naître en moi la possibilité d’agir et de ne pas renoncer. Ils sont source, fondement, flux et étranglement.

GEISTERVARIATIONEN (3ème version), colle, peinture, papier, cire sur métal, 40,5×30,5 cm,  2017-2021

AC – Tes mentors, écrivains, musiciens, poètes, influences littéraires et musicales ont pour point commun une souffrance, une tragédie sous jacente, une douleur dissimulée. Est-ce pour toi un passage obligé pour atteindre une forme de création dépouillée. De toucher quelque chose de vrai que d’autres ne font qu’effleurer ? Et en quoi cette douleur s’immisce dans ton processus créatif ?
FD – Le terme mentor est inadéquat. Ils cheminent pas trop loin de moi, compagnons accomplis d’errance, m’éclairent et m’indiquent les sentiers du possible. Je ne peux faire autre chose que considérer l’art tout à la fois comme l’ankylose du drame, et l’espace libérateur de la consolation. La vie est affaire de souffrance, de mort et de jouissance, et peindre, c’est y poser des bornes, des repères là où nous nous perdons pour nous trouver. La quête de sens et de la raison de nos déraisons est douleur, mais également le baume qui me permet d’écrire ces mots.

PALLAKSCH, 47×34 cm peintures, pigments sur toile 2010-2013 reprise en 2017 et 2022

Éditions Carbet

A l’occasion de l’exposition, les Ateliers Carbet proposent des tirages en risographie, édition limitée à 25 exemplaires signés et numérotés par l’artiste. Prix de vente : 30 euros

Sans titre, tirage en risographie format A3 signé et numéroté par l’artiste

« De l’abîme en effet… »

 Convoquer des fantômes…

Le titre de l’exposition est issu de la lecture d’Hölderlin, dont le passage à Bordeaux est resté fameux ; il évoque un espace infini de contemplation, de mélancolie et d’interrogation, les chemins d’une quête de sens et de mots.

Ma peinture s’élabore et se constitue d’abord par le mot. Dans son essence même elle révèle au regard des énigmes visuelles où le caractère cryptique domine. Le mot, la phrase, le texte, tantôt apparents, tantôt recouverts, ensevelis, dissous, animent la toile dans un mouvement antagoniste entre lisibilité et visibilité. Cette tension attire et retient l’attention dans une promesse de signification et l’illusion d’une révélation.

Les œuvres d’Hölderlin, de R.Schumann et de R.Walser inspirent l’ensemble de toiles présentées. Elles partagent un mouvement de retrait du monde, d’enfermement, des troubles de l’âme et du langage, et les tentatives désespérées de saisir l’indicible.

Dérèglement, tourments, luttes intérieures, leurs mots transportent une profondeur émotionnelle que je tente d’habiter à travers des recherches d’effacement, d’altération, de disparition et apparition de lisibilités, de visibles. Pour moi la peinture porte toujours en elle sa propre disparition, son impermanence, sa dissolution dans l’oubli.

Un miroir de notre humanité.

Repères Biographiques

Frédéric Diart
né en 1966

1989-1991

Fin des « suites alphabétiques », ensemble de peintures sur papier, carton, plaques de plomb ou d’aluminium. Utilisation de peintures industrielles et d’aquarelle. La lettre est motif et organise l’espace. Accrochage en « amalgame ». Premieres peintures réalisées en couches successives.
1990-1991 : Bourse résidence en Allemagne (Office franco allemand)
1991 : Centre international de recherche et de création artistique Villeneuve les Avignon (Résidence d’artiste et catalogue – texte K. Winichner)

1991-1994

Petits et moyens formats. Adoption définitive de la verticalité et abandon du format paysage. Premières peintures sur toiles et premiers pochoirs (alphabets). Abandon progressif des différentes peintures et résines industrielles pour l’utilisation exclusive d’un acétate de polyvinyl. Utilisation de plus en plus fréquente de solvants et de décapants. Premières expériences d’affaissement de la matière.
1991-1992 : « Atelier 63 » Haarlem Pays Bas – Résidence d’artistes (intervention de D. Vermeiren, J. Dibbets, S. Brown…)
1993 : Centre d’arts plastiques de Saint Fons (Publication – texte A. Trouttet)

1994-1996

Utilisation systématique de pochoirs (différentes tailles d’alphabet). Derniers travaux graphiques sur papier (pratique abandonnée par la suite, puis reprise à partir de 2017). Passage à des formats plus importants (2 mètres de haut). Temps de réalisation de plus en plus long. Les mots-matière se superposent, s’enfouissent et se désagrègent par l’action des solvants, aboutissant à des « champs hermétiques de désolation »
1996 : Maison des Expositions Genas (avec M. Strieder) (Publication – texte T. Freiwald)
Art Basel – Galerie Nelson – Paris
Art Chicago – Galerie Nelson – Paris

1996-2000

Peintures totalement saturées de matière. Utilisation de pigments se mélangeant sur la toile par l’action des décapants. Distinction de deux phases dans le processus : une période de dépôt de matière (circonscrite dans les formes lettres, éliminant tout geste) et une période de dissolution/retrait, débutant des lors qu’une phase de totale illisibilité a été atteinte, et pouvant aboutir à de maigres jus résiduels.
1997 : Musée de la Mine – Saint Etienne (avec C.Viallat, J.M. Cerino…)
Art Chicago – Galerie Nelson – Paris
1998 : Galerie Nelson – Paris (avec T. Ruff, On Kawara…)
2000 : Josselyne Naef – art contemporain- Lyon (catalogue – texte R. Cuir)

2000-2003

Utilisation de tissus fins non-apprêtés permettant une réactivité dans la tension de la toile. Incorporation à la matiere de colles d’origine organique (os, peau, nerfs) et de sang de bœuf pour certaines toiles. Retour à une lisibilité de mots dans certaines pieces. Premiers ensembles de peintures avec moisissures et rétractation de la matière. Destruction de nombreuses pièces. Premiers groupes de peintures « parcellaires » de même format (ensembles de 3, 4, 5 éléments ou plus, présentés en ligne). L’œuvre « s’ouvre », disséquée, et se déploie dans l’exploration de ses différents éléments constitutifs.
2002 : Participation à “l’art à 20 balles” – Esox Lucius – Ligny-en-Brionnais 2003 : Kunstpavillon – Innsbruck – Das Gelbe vom Ei (avec W. Feiersinger, T. Feuerstein…) (catalogue – texte F. Treppoz)

2003-2006

Ensemble de toiles froissées, décrochées, détendues pouvant s’enrouler autour d’un dépôt partiel de matière. Suite de pièces où plusieurs toiles se superposent sur un même châssis, permettant des résurgences de matière par capillarité. Séparation de la matière et de la couleur (souvent de dérisoires papiers colorés). La couleur est appliquée à l’arrière de la toile. Le solvant pénètre la matière non chargée appliquée sur la toile, et ramène à la surface la couleur.
2005 : Espace Vallès – Centre d’Art Contemporain – Saint Martin d’Hères (catalogue – texte F. Planchon)
2006 : Parc Saint Léger – Centre d’Art Contemporain – Pougues-Les-Eaux (catalogue – textes T. Trémeau – F. Bazzoli)
2006 : Participation à “20 sur 20” – Centre d’Art Contemporain – Saint-Fons (catalogue – texte de l’artiste)

2006-2013

Utilisation fréquente de gouache pour enfants et de substances à base de sucre. Retour pour certaines œuvres à un support métal, permettant l’apparition et l’emploi de la rouille. Dans certains cas, lents dépôts d’épaisses couches de matière qui seront soit retirées et retournées, soit évacuées totalement ou utilisées en parcimonieux lambeaux sur d’autres supports.
2007 : Participation à « Our affects fly out the aera of human reality » – Gallery Sandra Buergel – Berlin
2007 : Musée Municipal Bourbon Lancy – « Je devrais me taire »
2008 : Participation à “Traversée d’ART” – Saint-Ouen
2008 : Participation au Portfolio “secret” – Editions Noria – Présentation à la Galerie Art 77 – Paris
2008 : Participation à l’exposition « an idiotma » carte blanche à Tristan Trémeau Galerie du Haut-Pavé – Paris
2009 : Participation à l’exposition « an idiotma » 2eme volet Galerie L’AGART Amilly
2010 : Exposition «quando stanno morendo » Esox Lucius – Ligny en Brionnais
2013 : Exposition « Geistervariationen (aux vaincus) » Galerie Scrawitch – Paris

2013-2016

Réalisation de grands formats parallèlement à la création d’ensembles de petits formats sur papier. Peintures constituées de différents châssis superposés permettant, par l’emploi de toiles fines, des effets de moiré qui viennent perturber l’apparition des mots.
2014 : Participation à la revue « psychanalyse » (interview et portfolio)
2016 : Exposition collective « Dé-faire la peinture » -galerie ESADHaR Le Havre.
2016 : « JE(ux) »-Editions Noria. Galerie La pièce blanche, Paris.

2017-2025

Renoncement, à l’exception de quelques événements, à la monstration d’œuvres. Expériences dans le domaine du livre d’artiste, en collaboration avec d’autres créateurs. Développement de nombreux ensembles de peintures, et réalisation de plusieurs centaines de pliages-assemblages en papier, de gravures et de monotypes.
2025 : « De l’abîme en effet…» Ateliers Carbet, Bègles.
« …et je voyage pour connaître ma géographie. », La filature, Varennes s/s Dun.

 

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